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Nouvelle : le placard

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Auteur : Emma Gaillard--Chabanel - Mai 2020

Le placard

Comme tous les matins, je me préparais pour mon travail. Toute la journée, je posais des parquets chez mes clients. J’adorais mon métier car, c’était mon père qui m’avait transmis le goût du bois. Dans ma famille, nous sommes parqueteurs de génération en génération. Je logeais dans un petit appartement au cœur de Lille. Dans mon salon, beaucoup d’objet que j’avais récupérés un petit peu partout embellissaient la pièce. Il y avait des tableaux, du verre, des sculptures, mais ce qui faisait mon bonheur, c’était mon immense bibliothèque remplie de livres en tout genre. Lire était ma plus grande passion. C’est dans le couloir qui reliait ma chambre à la porte d’entrée que j’entreposais mes affaires lorsque je ne travaillais pas.

Ma journée commençait comme toutes les autres journées de l’année. Je me levais tôt le matin, je prenais le petit déjeuner, je m’habillais et enfin je m’en allais chez mon premier client de la journée. Ce jour-là, ce fut monsieur Précas le premier sur ma liste. Je me rendis à son domicile qui se trouvait rue Jules Guesde. L’appartement était grand, cet homme étant un riche bourgeois. Je m’attelais à poser le parquet. Quand j’eus fini, il me paya et je rejoignis le dernier client de la journée. Il était déjà 18 h 30.

on dernier client fut M.Carponier. Sa résidence se trouvait rue de Puebla. Au premier abord, cette bâtisse semblait des plus normales. Je rentrai donc dans l’appartement de ce M. Carponier. Je franchissais le seuil de la porte lorsque je surpris une conversation entre deux hommes. Je n’ai pu saisir que quelques mots ; ceux-ci parlaient de quelque chose qui dérangeait l’ami de mon client. Je m’avançais jusqu’au salon et serrai la main des deux hommes. L’ami de M. Carponier s’en alla après m’avoir salué. Mon client m’offrit à boire, mais je refusais.

Je m’attelais dans la pièce où il fallait que je travaille. L’homme, visiblement pas très rassuré, m’y laissa seul. Je mis environ une heure pour poser quelques planches. Mais lorsque je voulus en mettre une au centre de la pièce, je ne pus y parvenir : une force mystérieuse m’en empêchait !. Vingt minutes s’écoulèrent et je partis chercher mon client pour lui expliquer le problème. Celui-ci devenait de plus en plus pâle et ne cessait pas de dire : - « Ils sont revenus, ils sont revenus... » Il partit aussitôt en courant en me laissant seul dans l’appartement. Alors, je mis toutes mes forces pour rentrer la planche. Je parvenais peu à peu à dominer la force. Finalement, au bout d’un long combat, la planche prit la bonne place. Soudain, elle s’éjecta et se brisa en mille morceaux. Ma tête frappa le sol et je m’évanouis pendant un certain temps.

Lorsque je me réveillai, ma tête était si douloureuse que je crus m’évanouir une deuxième fois. Mais le plus étrange était que j’entendais distinctement une voix me parler sans cesse. Je crus devenir fou, mais plus je m’approchai de l’endroit où la planche avait explosé, plus les voix étaient fortes. Alors, je me rendis compte qu’en explosant, la planche avait creusé un trou dans la dalle ce qui me permettait maintenant de voir l’appartement du dessous. Je pris donc la décision d’aller frapper à la porte des gens qui y vivaient. Je toquai trois coups secs mais aucune réponse ne se fit entendre. Puis, je remarquai que la porte n’était pas verrouillée. Je rentrai donc dans le logis. Cet appartement était de toute évidence à l’abandon : des cartons étaient empilés partout, la poussière était tellement épaisse que je ne voyais plus mes pieds, et l’odeur était absolument infecte. Soudain, un pas se fit entendre. Je me retournai brusquement mais rien n’apparaissait à ma vue. Quelques minutes passèrent et un deuxième pas se fit entendre. Cette fois, je partis découvrir l’origine du bruit.

Dans la pièce qui devait servir de chambre autrefois se trouvait un placard. Mais, un autre pas me fit sursauter car il était tout près. En observant le meuble, je m’aperçus qu’il bougeait. Les pas étaient en fait les pieds du meuble qui frappaient le sol. Depuis que j’étais entré dans le logis, les voix devenaient de plus en plus fortes à certains endroits comme si elles me guidaient. Mais ce qui me fit très peur, c’est qu’à un moment les voix entonnèrent mon nom. Et puis, j’ouvris le placard et ce que je vis à l’intérieur m’effraya grandement. Quelqu’un était là, immobile et raide comme un cierge. Je bondis en arrière et m’enfuis de la maison. Mais les voix me suivirent jusqu’à mon domicile. Elles chuchotaient : - « Félix, Félix, récupère-le, Félix rejoins-le, vient le sauver »

Quand je fus à l’intérieur de mon appartement, je m’empressai de fermer les verrous de la porte d’entrée. Par l’œillet, j’observai que personne ne m’eut suivi. Après quelques minutes, accroché à ma porte, j’avançai dans mon salon. Je me posai sur le grand fauteuil que j’aimais tant et attendis, sans rien faire. Comme si quelque chose allait se passer. Mais rien, seulement le bruit de la bise qui s’infiltrait dans mes fenêtres. Les voix étaient cependant toujours là et elles me disaient toujours la même chose : - « Félix, Félix, récupère-le, Félix rejoins-le, vient le sauver »

La partie raisonnée de mon âme pensait que je devenais fou, que je n’avais pas pu voir cet homme dans le placard et que les voix dans ma tête n’étaient que le fruit de mon imagination. Mais la scène de l’appartement repassait et repassait encore dans ma tête. Quand il fut onze heures du soir, l’envie d’aller me coucher se fit ressentir de plus en plus. Alors, allongé dans mon lit, dans la pièce noire, éclairée par quelques rayons de Lune, je m’assoupis malgré mes angoisses. Cette nuit fut sûrement la pire de mon existence, mes rêves me tourmentaient. Toujours la même scène mais cette fois, j’enlevais l’homme du placard et le ramenais chez moi. Des gouttes de sang semblaient m’indiquer un chemin. Je le cachais dans ma maison. Les voix s’arrêtèrent brusquement.

Au petit matin, tourmenté par mon atroce rêve de la nuit, je n’entendais plus rien. Les voix avaient disparu. Dans le fauteuil que j’avais quitté la veille, je me demandais si toute cette mascarade ne fût pas seulement le fruit de mon imagination. Je partis donc au travail comme tous les jours. Mais dans l’entrée de mon appartement, des taches rouges maculaient le sol. À cet instant, je me remémorai les incidents de la veille. Ce n’était qu’un rêve pourtant, je n’avais pas ramené le corps chez moi, ce n’était pas possible. Mais après tous ces questionnements, je pris la décision de partir, partir loin, sûrement dans le Sud où cette histoire ne me suivrait pas. Alors je fis mes valises et finis ma vie au Soleil...

FIN

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