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Nouvelle : Lugdunum

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Miniature lugdunum
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Auteur : Emma GC - Mars 2022

Cette nouvelle a été écrite dans le cadre d'un concours.

Lugdunum

Chaque année, ma famille se réunissait dans la maison familiale à Lyon. Plusieurs générations se côtoyaient le temps d’une semaine. Les grands-parents prenaient les nouveaux-nés dans leurs bras et les enfants couraient à travers la maison. La journée, nous faisions des sorties dans la ville.

Cette fois, mes parents choisirent une visite culturelle. Au programme : transport en funiculaire pour aller sur la colline de Fourvière et visite du théâtre antique. Tracté par un système de poids, le funiculaire nous fit parvenir rapidement à destination. En sortant de la station, je vis la basilique. Mes parents m’expliquèrent que pendant l’antiquité, c’était ici que se trouvait le forum. C’était le cœur de la ville. Nous nous dirigeâmes vers le théâtre antique en contrebas. Dans le musée juxtaposé, j’appris que la ville de Lyon était appelée Lugdunum dans l’antiquité. C’était une ville très importante de l’Empire Romain. À la fin de la visite, je m’aventurai seule dans les méandres de ce lieu.

Tout le théâtre était en pierre. Il y en avait une grande partie qui avait disparu. On pouvait accéder aux gradins par divers escaliers. J’en empruntai un et m’assis. Bercé par les allées et venues des visiteurs, je m’assoupis.

Je fus finalement réveillée par des bruits de pas. Beaucoup de bruit de pas. Je sentis l’air frais me caresser le visage. Je décidai de rester là, les yeux fermés, en ne pensant à rien. J’aurai voulu ne pas bouger pendant des heures. Mais soudain, une main toucha mon épaule. À côté de moi je vis un homme qui portait une toge. Il me répétait des mots incompréhensibles en me faisant des gestes. Dérangée, je grognai avant de m’écarter pour le laisser passer. Je remarquai qu’autour de moi, les hommes portaient tous une toge. Quant aux femmes, elles portaient une longue tunique. Je commençai à m’interroger. Le théâtre se remplissait de plus en plus. Je me suis levée pour rejoindre mes parents. Devant moi, le théâtre s’était métamorphosé. À la place des ruines, se trouvaient d’immenses gradins. Les pavés de l’orchestra étaient d’un vert éclatant. Sur la scène, un rideau joignait les deux extrémités de l’arc de cercle que formait le théâtre. Pour accéder aux gradins, deux entrées majestueuses se faisaient face. Mais ce qui me frappa le plus, c’était ce gigantesque mur. Il était situé derrière la scène. On pouvait voir des colonnes, des statues sculptées dans la pierre. Tout était merveilleux. Lorsque j’atteignis les escaliers par lesquels j’étais venue, je remarquai une chose étrange. Je portais moi aussi, une tunique. Pourtant, je ne me souvenais pas m’être changée. Je continuai mon chemin jusqu’à l’entrée du théâtre. Le musée avait disparu...

Devant moi,une route en pierre menait jusqu’à un forum. Des dalles blanches couvraient le sol. Là encore se trouvaient des hommes habillés de toges. Certains sortaient de grands bâtiments. Sur l’un d’entre eux se trouvait l’inscription « curia ». Je voyais également des temples, de petites mares et de superbes plate-bandes. Des chevaux tiraient des charrettes pleines de pierres. Sur ma droite, des gens assis par terre, une tablette en pierre lisse et carrée à la main, gravaient dessus des inscriptions à l’aide de stylets de bronze.

Je ne reconnaissais rien. Ni les rues, ni les écriteaux, ni les personnes. À la recherche d’aide, j’interpelai un habitant qui ne répondit pas. Un autre passant que j’interrogeai me répondit dans une langue inconnue de moi.

Dans mes souvenirs, la colline de Fourvière offrait une vue à 360° sur la ville de Lyon, mais aussi sur les plaines qui ondulaient jusqu’au Mont-Blanc. Je suis allée à l’extrémité du forum. Devant moi, il n’y avait que des marécages et des lônes aux vapeurs brumeuses. Les immeubles, les places, les routes avaient disparu. Seule, la campagne s’étendait à perte de vue. Je ne comprenais pas. Comment m’étais-je retrouvée ici ? Et surtout, où étais-je ? Alors que je marchais, je vis une chose dans l’herbe. Je m’accroupis et ramassai l’objet. C’était une petite statue en argile peinte. Je la gardai en souvenir.

Je déambulais dans les rues. Quelquefois, je voyais des étals, où les artisans vendaient des sculptures, des fruits ou des vêtements. Je voyais aussi des hommes en toge suivis d’esclaves. En tournant dans une autre rue, je vis les fameux thermes. Je rentrai dans ce lieu. Le bâtiment était séparé en deux. Les femmes se trouvaient d’un côté, les hommes de l’autre.

Quelques minutes s’écoulèrent avant que je décide de me remettre en marche. Il fallait que je trouve une solution. M’apitoyer sur mon sort ne m’aurait mené nulle part. Je descendis dans les rues de Lugdunum. Le chemin que j’avais emprunté tout à l’heure possédait désormais des pavés. Autour de moi, il y avait maintenant beaucoup de gens. Certains faisaient des emplettes, d’autres étaient assis dans la rue. Je sentis l’odeur de l’huile d’olive et du vin tandis que j’arrivais sur un marché. Sur l’écriteau d’une étable, je vis écrit « fructus ». En m’approchant, je distinguai des fruits. Des pommes, des poires, des raisins. Je ne pouvais rien acheter, rien manger. J’étais seule dans un monde que je ne connaissais pas. Dans les rues qui bordaient la place, on pouvait voir des chars qui portaient des amphores, des légionnaires qui patrouillaient ou encore de simples habitants faisant leurs emplettes ou discutant ensemble.

Le temps se couvrit. Tout d’un coup, les nuages sont venus cacher les rayons chauds du soleil. Je n’avais rien mangé depuis plusieurs heures. Je me mis alors en tête de trouver de la nourriture. Mais comment faire ? Je n’avais pas d’argent, ne parlais pas latin, ou très peu, et ne connaissais personne. Je me suis alors mise à errer dans les rues. Tantôt toquant aux portes, tantôt abordant des passants dans l’espoir qu’ils me comprennent. Mais personne ne m’ouvrit. L’orage était de plus en plus violent à présent. Et je n’avais nulle part où aller pour la nuit. Après m’être réfugiée sous des halles, je m’assis et réfléchi. Cela faisait maintenant plus de vingt-quatre heures que j’étais arrivée dans ce monde. Plus aucun espoir ne m’était permis. Je me remis en route, désespérée. À force de marcher, je suis retournée au théâtre. La pluie tombait à grosses gouttes. Les perles d’eau ruisselaient sur mon visage. Mes habits étaient trempés. J’ai alors commencé à gravir les marches des gradins. La pierre était très glissante. Mais je poursuivais mon effort. Puis soudain, un éclair. Lorsqu’il me percuta violemment, je perdis aussitôt connaissance. Et, face à ces gradins, face à cet orage des plus violents, je m’écroulais au sol. Je gisais ici, inconsciente.

Au loin, je vis une lumière. Elle était blanche. Le tunnel. Ce fameux tunnel. Alors, était-ce la fin ? Comme ça ? Après la lumière vint le bruit. Un bruit strident. Il faisait comme des va et vient. La lumière, le bruit. Tout cela se mélangea dans ma tête. Je suppliai que l’on me laisse partir. Soudain, je sentis une vibration. Oui, comme si on m’avait fait bouger. Mais quoi ? Les secousses devinrent de plus en plus régulières et de plus en plus fortes. On me déplaçait. Du moins j’en avais l’impression. Une voix. Une voix s’élevait plus haute que les autres. Au début, je distinguais mal ces paroles. Mais elles devinrent de plus en plus audibles. Jusqu’à ce que j’entende : « Réveille-toi, je t’en supplie. » Elle était familière. Comme si je l’avais toujours entendue. Mais oui. C’était une voix de femme. Et puis une autre : « Allez, tient bon. » Cette voix-là était plus grave. Mais elle m’était tout autant familière. Ces sons se répétaient et se bousculaient dans ma tête. C’était comme si j’avais toujours connu ces voix. Mais attendez… Mais oui… C’était bien la voix de mes parents que j’entendais. Je voulais les retrouver. Je criais leurs noms. Mais personne ne répondait. Alors je recommençais encore, et encore. Et soudain, mes yeux se rouvrirent. Autour de moi, tout était d’un blanc immaculé. Je criais toujours. Mais cette fois de douleur. Autour de moi se tenaient mes parents. Ils me regardaient les larmes aux yeux. Je comprenais ces secousses à présent. Je me trouvais dans une ambulance. Et ce bruit, ce n’était pas mon imagination, mais bien les sirènes qui retentissaient.

Quelques semaines plus tard, je sortis de l’hôpital, en bonne santé. Les médecins me rendirent mes vêtements et mes objets personnels. Des questions me tourmentaient. Alors, tout ça, ce n’était qu’un rêve ? Non, c’était impossible, tout semblait si réel. Les gens, le marché, le forum et le théâtre. Comment aurais-je pu inventer tout cela ? Après tout, peut-être que la douleur était si grande que mon cerveau voulait me protéger. Je n’en sais rien. Je laissai ces interrogations derrière moi et m’habillai. En fouillant dans les affaires que l’hôpital m’avait gardées, je fis tomber quelque chose. Je me penchai et la ramassai. C’était un portrait. Un tout petit portrait taillé dans la pierre. Il y avait mon nom dessus. Ce portrait m’en rappela un autre. Je l’avais déjà vu. Mais où ? Soudain la mémoire me revint. Dessus, ce n’était pas mon prénom, du moins pas exactement. Il était écrit en latin.

FIN

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